LA PETITE HISTOIRE DES EAUX MINERALES DE SAINT-PAUL
D' après la lettre de Michel ESTARD (1717) et l'introduction du Dr René HELOT (1909)
La « dissertation ou lettre écrite à M. POIRIER Conseiller ordinaire du Roy,.premier médecin de Sa Majesté,.
touchant la nature et les effets des eaux minérales et médicinales de Saint-Paul de Roüen » par Michel ESTARD
« Du pied d'une grosse montagne appelée Sainte Catherine sortent ces fontaines si salutaires, et d'une telle
façon que la pureté de leurs eaux n'est jamais altérée par le mélange des eaux du ciel ».
Dans son ouvrage, M. ESTARD décrit la formation des eaux minérales et réalise une analyse chimique de la
qualité des eaux des diverses fontaines découvertes sur les lieux, il décrit le « phénomène », expérience qui constate,
après évaporation de l'eau, que les cristallisations arborescentes sur les parois s'étaient « distribuées comme par artifice
où elles peignaient, tout autour, des branches et des feuillages fort bien exprimées ».
Il décrit la manière dont les eaux agissent dans le corps humain, et leurs effets face aux maladies traitées.
Enfin, il montre les avantages des eaux de Saint-Paul sur celles de Forges.
Introduction
La grande vogue des eaux minérales ferrugineuses de Forges-les-Eaux au 17°siècle a été
principalement initiée par le voyage qu'y fit LOUIS XIII et ANNE D'AUTRICHE, en 1633, et
quelques années après, la naissance du DAUPHIN.
Les médecins de Rouen, envieux de ce succès, cherchèrent à attirer cette riche clientèle vers
les eaux minérales de Saint-Paul:
¤ En 1717; le Collège des médecins de Rouen posent la thèse suivante à l'agrégation: «Les
eaux de Rouen sont-elles préférables à celles de Forges? Parmi celles de Rouen, quelles sont celles
à préférer?»,
¤ En 1708, une dissertation est publiée sur « Les eaux minérales de Saint-Paul,
nouvellement découvertes »,
¤ En 1717, Michel ESTARD publie «La dissertation ou lettre écrite à M. POIRIER ».
ESTARD y vante, avec excès, les qualités chimiques des eaux de Saint-Paul qui guérissent de la
chlorose et de l'anémie et qui sont utiles contre les maladies des voies urinaires. Quant à leur qualité
face à la stérilité, certains critiques ont cherché une explication en mettant en cause la vertu des
femmes de ce temps!
Michel ESTARD (1672-1752) est né à Argentan, il devient médecin à Caen et est admis en
1713 au Collège des médecins de Rouen. En 1715, Poirier, premier Médecin du Roi, le nomme
intendant des eaux minérales de Saint-Paul. Il meurt à Rouen, en 1752. Il semble ne pas avoir
mérité les places qu'il occupa mais est plutôt décrit comme arriviste.
Les eaux minérales de Saint-Paul (ou eaux d' Eauplet) au 17° siècle
Au 17°siècle, il y avait à Saint-Paul, au pied de la Côte Sainte-Catherine, deux sources d'eau
minérale ferrugineuse: la fontaine « Voisin » et la fontaine « Saint-Paul » (ou fontaine de fer).
La fontaine « Voisin » aurait, déjà, été connue et fréquentée par les Romains.
La fontaine « Saint-Paul » aurait été découverte au milieu du 16° siècle, elle était située dans
l'enclos du prieuré de l'abbaye de Montivilliers.
En 1650, des religieuses de la congrégation de Rouen prennent les eaux de Saint-Paul puis
furent rappelées par l'abbesse à Montivilliers. En 1662, la propriété fut louée à Jacques de SENCE,
écuyer,seigneur de la Bunaye, conseiller et maître d'hôtel ordinaire du Roi qui se réserva la
jouissance de la fontaine dans le but de l'exploiter, ce qu'il ne fit pas. La propriété changea de
locataires jusqu'à la fin du siècle et perdit, régulièrement, de sa valeur.
Découverte de nouvelles sources à Saint-Paul
En 1707, l'abbesse de Montivilliers loue, à vie, le manoir de Saint-Paul au sieur Nicolas
PAULMIER, conseiller du Roi, commissaire de police à Rouen, pour la somme de 300 livres.
PAULMIER y découvrit trois nouvelles sources d'eaux minérales et entreprit d'en faire des
eaux concurrentes de celles de Forges. Il fit part de sa découverte au Collège des médecins de Rouen, dont les membres, accompagnés de maîtres apothicaires de la ville, visitèrent le site. Ils
reconnurent que les eaux étaient ferrugineuses et semblables à celles de Forges.
L'ancienne source s'appelle « la Saint-Paul »; la seconde « l' Argentée »; la troisième « la
Céleste »; et la quatrième « la Dorée ».
Il fit construire un pavillon (vue de l'agréable situation des eaux minérales de Saint-Paul)
dans lequel les buveurs faisaient chauffer les eaux avant de les boire et aménagea une terrasse.
En 1716, la notoriété des eaux de Saint-Paul s'étendit et conduisit la faculté de médecine de
Paris à reconnaître « leur grande utilité », en outre, deux comédies évoquèrent: « Les Eaux d'
Eauplet » et « La Critique de la comédie des Eaux d' Eauplet »
Les buveurs vinrent nombreux prendre les eaux et la propriété prit de la valeur, en cinquante
ans, la ferme de Saint-Paul avait quadruplé de valeur, grâce aux eaux minérales
Nicolas PAULMIER mourut en 1736.
Thomas YVELIN, chirurgien, fermier de Saint-Paul
En 1763, le manoir de Saint-Paul fut loué par l'abbesse de Montivilliers aux sieurs Nicolas
DUMONT et Thomas YVELIN, moyennant 1200 livres par an.
YVELIN, pauvre chirurgien, était le protégé de DUMONT, il abusa de la générosité de son
bienfaiteur et mena aussitôt grande vie. Un long procès se termina par leur séparation, YVELIN
devint le seul locataire du manoir de Saint-Paul, en 1767, au loyer de 1600 livres.
Dès son entrée en jouissance, il bouleversa le manoir par la construction d'une nouvelle salle
des eaux, l'aménagement d'un lieu de plaisir et l'élaboration du projet d'un établissement de bains
sur un bateau!
Trois modes de locomotion permettaient de se rendre aux eaux de Saint-Paul:
¤ Par eau, dans des petits bateaux de douze passagers, c'était le moyen le plus employé,
¤ Par carrosse ou chaise à porteur en empruntant le pavé de Martainville ou le cours Saint-
Paul, construit au 17° siècle, ce parcours avait pour inconvénient de passer à proximité d'un
poteau de justice.
¤ En 1769, YVELIN obtint l'autorisation d'ouvrir une porte sur le Pré-aux-Loups, ce
chemin devint alors le plus fréquenté.
Saint-Paul devint un lieu de fêtes ou les buveurs payaient quatre livres pour la saison (il y a
eu 181 buveurs réguliers en 1764)
Décadence des eaux minérales de Saint-Paul
Dans ces mêmes années, des établissements similaires et concurrents existaient à Rouen:
¤ A partir de 1762, à Saint-Paul même, la fontaine « Voisin », oubliée depuis un siècle , fut
exploitée par son nouveau propriétaire: Charles-François ROSE, qui poussa la concurrence
jusqu'à vendre l'eau minérale en bouteille dans Rouen.
¤ Dès 1752, à l'intérieur de la ville, les sources de la Maréquerie furent exploitées puis, plus
tard, la fontaine « Jouvence » à Déville (1777).
Les belles années de Saint-Paul étaient terminées, d'autant que ses eaux cessèrent d'être
prônées par les médecins et que l'établissement fut baptisé « la manufacture de cocus ».
Saint-Paul fut saisi et vendu en 1772. Pendant quelques années, son nouveau fermier
(Jacques-François LECERF) y organisa de grandes fêtes. En 1777, un célèbre tragédien (LEKAIN)
vint s'y soigner et mourut peu après. De nouveaux fermiers se succédèrent sans succès.
En 1790, la propriété de l'abbaye de Montivilliers devint bien national, puis fut vendue à M.
de FONTENAY qui la transforma en un atelier modèle de teinture, ce fut la fin des eaux minérales
de Saint-Paul. Les eaux rivales furent, à leur tour, oubliées.
Les installations et la fontaine témoignent encore maintenant de cette page d' histoire.
Les eaux minérales de Saint-Paul n'auront eu qu'une réputation locale et la « petite
bourgade » de Forges-les eaux jouit, encore aujourd'hui, de sa victoire.
SOURCES :
http://www.cote-sainte-catherine.com/csc/documents/eaux_minerales_saint_paul_rouen.pdf