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 Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT

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Flo.TINTURIER
Patricia Philbert
casinogarage
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casinogarage
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casinogarage


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Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT Empty
MessageSujet: Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyVen 29 Jan 2010 - 17:13

J'ai retrouvé une lettre manuscrite envoyée par ma grand-mère Pauline Degenétais (Veuve Dupuis, née Christo) à sa soeur Héllène Mériot après son retour d'éxode en 1940. En voici quelques extraits.
Ma grand-mère (que je n'ai pas connu) n'étant pas née en France, n'écrivait pas dans un français parfait ; pour garder toute sa valeur au récit, j'ai corrigé l'orthographe mais respecté au maximum ses tournures de phrases. Une phrase est en rouge dont je ne comprends pas vraiment le sens. La lettre est datée (commencée) du 7 juillet 1940 et a été complétée jusqu'en août. Ce courrier est écrit sur un papier à cette en-tête :

CAFES & POIVRES
Commission, Transit et Consignation
L. DEGENETAIS
Rue Jules Le Cesne, 42 bis

Ma Chère Héllène,

Tu as vu le nuage noir, même à Honfleur. Tout le monde a été pris de panique. On filait du côté de la jetée avec paquets et valises. Moi je regardais ça froidement, je n'avais pas peur. Même, je crois, sur tout le quai, je devais être toute seule. Le Directeur, sous pretexte que ça lui gâche la nuit (une fois réveillé, il ne pouvais plus s'endormir) ne pouvait par conséquent plus fournir aucun travail de tête (on ne faisait rien comme affaires). Est allé coucher à Harfleur, chez des amis. Doit revenir le matin vers 9 h. Donc, ils sont venus, le mari et la femme le lundi 10 juin. Tous les concierges étaient fichu le camp.

Un grand choc à 5 heures, que ça a même fait ouvrir toutes les grandes portes. Même descendu la porte du magasin. Tous les carreaux cassés (pas chez moi heureusement). Je descend voir (comme c'était sur le quai) où c'était au juste car je voyais les flammes. C'était la maison Curie, à l'encoignure du quai. Pas de pompiers pourtant avec le bassin (même si l'eau avait les conduites crevés) on pouvait fournir de l'eau en masse.

Je me couche. Vers le matin, 3 heures, encore du bruit, je croyais que c'était Molon. Vers 5 heures encore, du côté Worms. Le matin, je me lève, déjeune, descend à 6 h et demie et vais voir où ça brûle (toujours pas de pompiers) : Café Cardinal, sur le Bd de Strasbourg. Je m'aproche du coin de la rue Anfray et du boulevard quand un Monsieur (très bonne figure) m'arrète et me dit : “mais où allez-vous comme-ça Madame ?”, je lui répond que je vais voir où ça brûle, “Il faut partir, allez faire vos valises, dépéchez-vous !”, “Mais Monsieur, je ne pourrai les porter, je suis presque impotente”. “Je suis Monsieur Dassonville, où demeurez-vous ?”, “sur le quai George V, au 45”, “J'irai vous les chercher, dans une demi-heure, je serai chez vous”. J'apprète vivement des choses que j'entasse au petit bonheur. Ne le voyant pas, je me dis il a oublié, tant pis ! Mais non, à 9 heures, il arrive avec un homme qui a transporté mes valises. Nous sommes allés derrière la Poste où une auto, conduite par des marins nous a pris et ammenés au quai Johannés Couvert.

Sommes descendus à une hauteur presqu'à pic dans un charbonnier anglais. Des marins m'ont aidé à descendre cette échelle tant à pic. Sommes partis quand notre bateau était plein, à 1 heure. Sommes arrivés le soir à la nuit. Avons été bombardés en route ; même quand ça tombe dans l'eau, ça fait sauter le bateau. Restés toute la journée du lendemain à Cherbourg. Grâce à ce brave Monsieur D., il a parlementé avec les Anglais du bateau pour que l'on nous débarque. Dans la nuit complète, tout ça demande du temps ; tout sans lumière, pas facile. Arrivés avec des cars au Lycée de Garçons, couché sur des sommiers sans rien sous la tête. Le matin, la cloche pour aller boire du café au lait servi par des élèves qui attendaient de passer le bachot, très gentils et complaisants. Après, les autocars pour partir par un autre bateau. On disait que c'était pour nous mener en Bretagne. Personne sauf le Capitaine savait.
Encore deux jours en bateau, débarqués à La Pallice puis le train à 6 h. Moi, je n'avais rien emporté (d'abord je n'avais plus de pain), suis restée deux jours en chemin de fer sans manger. Ma foi, n'avais pas plus faim que ça. Monsieur D. m'avait laissée à Cherbourg ; il allait rejoindre sa famille à Grandcamp je crois. Après allait au front (il avait retrouvé son commandant car il était allé à la Préfecture)...

La suite de son courrier raconte ses pérégrinations jusqu'à Saintes (Charente-maritîme) où elle restera jusqu'au 15 août.Après son retour au Havre, elle donne quelques informations sur la situation qu'elle retrouve :

... Après, il fallait attendre pour avoir un train pour le Havre, tous les ponts étant démolis. Tout le monde disait : “du quai George V, il ne reste plus rien”, mais j'ai retrouvé les maisons jusqu'à la rue Anfray le reste jusqu'à la Caserne. Bauzin (Robert ?) disparu aussi ce dernier comme tu vas le voir d'après le faire-part mais depuis quand ? Jusqu'à la rue Babaume, tout est par terre...

... ici, tout a été dévalisé, tous les concierges. Bien des maisons, tout enlevé par des voyous. Chez les commerçants tout “piqué”. Enfin, tout le monde rentre petit à petit. Un bateau parti l'après-midi du même jour que moi a sauté*, tout le monde a péri, chez Prader, 8 personnes : toute sa famille ; lui n'a pu prendre le même bateau ! Tu vois, la destinée...

Bons baisers de tout coeur,
Pauline

P.S. : La maison est debout rue Hyppolite Fénoux...

* Il s'agit vraisemblablement du Niobé, torpillé en Baie de Seine.
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Patricia Philbert
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Patricia Philbert


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MessageSujet: Dupuis Curie Molon Worms Dassonville Bauzin Prader Niobé   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyVen 29 Jan 2010 - 20:25

Quel témoignage ! C'est précieux de pouvoir reconstituer ainsi un pan de vie .Merci de nous le faire partager.
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Flo.TINTURIER
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Flo.TINTURIER


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MessageSujet: Re: Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyVen 29 Jan 2010 - 21:12

Merci pour cette lettre, c'est un vraiment un temoignage "pris sur le vif"!!!

Amicalement
Florence
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delferriere
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delferriere


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MessageSujet: Niobé    Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyVen 20 Jan 2012 - 17:59

Bonjour
Merci pour ce superbe témoignage, émouvant ,qui met dans cette ambiance de panique qu'ont subi les Havrais à cette époque, et ce n'était que le début de la guerre.

Amicalement JD
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Edith LEVESQUE
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MessageSujet: NIOBÉ La famille Prader   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyVen 22 Fév 2019 - 22:08

Casinogarage a écrit

... ici, tout a été dévalisé, tous les concierges. Bien des maisons, tout enlevé par des voyous. Chez les commerçants tout “piqué”. Enfin, tout le monde rentre petit à petit. Un bateau parti l'après-midi du même jour que moi a sauté*, tout le monde a péri, chez Prader, 8 personnes : toute sa famille ; lui n'a pu prendre le même bateau ! Tu vois, la destinée...

Bonjour Georges -Marie

Merci beaucoup pour vos précieuses informations qui ont permis de retrouver deux victimes du Niobé ; le pharmacien Daufresne et son épouse.
En ce qui concerne la famille Prader, il n'y a pas eu de victime portant ce patronyme. Il est possible que votre grand-mère évoquait une famille de huit personnes : les TASSEL, dont un des membres (le rescapé) limonadier de profession travaillait chez PRADER. Ce n'est pas une certitude absolue mais c'est peut-être une explication. J'ai fait toute la généalogie des PRADER. Aucun membre de cette famille n'a disparu sur le NIOBÉ. Merci encore Georges-Marie
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sylvie BAUDOUIN
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MessageSujet: Re: Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyDim 24 Fév 2019 - 9:41

Bonjour Edith,
vos suppositions sont bonnes, suite à la parution de l'article dans le paris normandie, plein de personnes se sont connectées sur le groupe facebook, dont 1 descendant de la famille Tassel qui travaillait au café Prader
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Edith LEVESQUE
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MessageSujet: TASSEL et PRADER   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyDim 24 Fév 2019 - 11:08

Bonjour Sylvie, merci pour cette confirmation ! J'espère que Georges-Marie prendra connaissance de votre message
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casinogarage
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MessageSujet: Lettre DEGENETAIS MERIOT   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyLun 25 Fév 2019 - 13:01

Bonjour Edith, bonjour Sylvie,
J'ai un peu tardé à vous répondre mais j'ai bien suivi votre enquête parfaitement menée, bravo !
Effectivement, on peut bien concevoir que la famille TASSEL travaillant au café PRADER ait pu être assimilée "aux PRADER".
La lettre de ma grand-mère, rédigée par une dame qui retrouve sa ville déjà ravagée après un exode mouvementé, est certes un témoignage de première main mais écrit sous le coup de l'émotion et relate ce que lui ont sans doute dit les voisins. Cela rappelle ce que nous savions bien sûr déjà, c'est que toute information doit être recoupée.
En dehors de cette lettre qui a permis d'identifier les DAUFRESNE et les TASSEL, arrivez-vous encore à progresser dans la liste des victimes ?
Amicalement
Georges-Marie
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Edith LEVESQUE
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MessageSujet: Niobé - Les victimes   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyMar 26 Fév 2019 - 9:24

Bonjour Georges-Marie, Daniel LE BERRE, descendant des TASSEL nous a précisé que ces derniers étaient surnommés "Les PRADER". Nous espérons que, grâce à des personnes ayant des témoignages à nous apporter, nous arriverons à progresser encore dans cette quête des victimes actuellement au nombre de 436 repertoriées sur plus de 800 disparues. Amicalement - Édith
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casinogarage
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casinogarage


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MessageSujet: Lettre DEGENETAIS MERIOT   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyDim 3 Mar 2019 - 14:45

Bonjour Edith,
Le doute est donc entièrement levé sur "les PRADER".
Ce doit être une vraie satisfaction pour le chercheur (en l'occurrence les chercheuses) quand une hypothèse se vérifie enfin.
436 sur 800, c'est déjà un résultat impressionnant mais bien sur, le travail restant est énorme les derniers à trouver étant sans doute les plus difficiles.
Je ne peux que vous souhaiter bon courage !
Amicalement
Georges-Marie
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MessageSujet: Re: Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyDim 10 Nov 2019 - 16:52

Bonjour, j'ai pu identifier le Tassel dont vous parlez qui serait Adrien, il avait un bar hôtel au 3 cours de la république, appelé le Hardy, mais ou se situait le Prader?
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Edith LEVESQUE
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Edith LEVESQUE


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MessageSujet: Le Prader   Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT EmptyDim 10 Nov 2019 - 18:20

Juin 1940 - Lettre DEGENÉTAIS MÉRIOT 25213

Bonjour Monsieur Tassel, sur la carte postale ci-dessus (début du XXe siècle), vous voyez la rue de Bordeaux (aujourd'hui rue Louis Brindeau renommée en 1936). A gauche, la place Gambetta. Sur la droite, le cinéma Gaumont, puis le grand café Prader et la rue de la Comédie
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