Les Présidents du temps jadis...
L'histoire des présidents de la République d'autrefois révèle de nombreuses anecdotes surprenantes ou croustillantes… Cet article rappelle les meilleures, président par président.
Le plus petit : Adolphe ThiersAdolphe Thiers ne mesurait que... 1,50 m. Cet avocat nommé chef du gouvernement dès l'armistice de 1870 et chargé de négocier le traité de paix avec les Prussiens, devint le premier président de la IIIe République de 1871 à 1873. C'est lui qui imposa l'appellation de "président de la République". Le titre était au départ : "chef du pouvoir exécutif de la République française", mais Thiers ne l'aimait pas : "Avec chef, disait-il, on va me prendre pour le cuisinier !".
Le plus maladroit : Patrice de Mac-MahonTimide et maladroit, Mac-Mahon a-t-il tout raté ? Il a été élu président de la République en 1873 dans un esprit d'intérim, dans l'attente de la restauration de la monarchie des Bourbons - la Restauration n'a pas lieu. Il tente d'imposer sa politique face aux députés - mais il doit se soumettre et accepter en 1877 de signer, les larmes aux yeux, un texte déclarant "l'irresponsabilité du président de la République" face à la "responsabilité solidaire des ministres". Il reste finalement en poste jusqu'en 1879. Mac-Mahon est connu aussi pour quelques phrases maladroites, du genre : "La diphtérie, on ne meurt ou en reste idiot. D'ailleurs je l'ai eu lorsque j'étais enfant".
Le plus vaniteux : Jules GrévyLe majestueux Jules Grévy avait, disait-on, "une tête de prédicateur méthodiste sur un buste de grenadier". Celui qu'on surnomme le "président Sagesse", élu en 1879 puis réélu en 1885, va finir dans un parfum de scandale. D'abord parce qu'il s'est enrichi à l'Élysée alors que les précédents y avaient plutôt englouti leur fortune. Ensuite parce que son gendre est impliqué en 1883 dans une affaire de trafic de décorations. Mais le vaniteux président refuse de démissionner, affirmant qu'il est "un roc". Il faudra que les ministres et l'Assemblée demandent plus de cinq fois sa démission pour l'obtenir en 1887.
L'arbre généalogique le plus politique : Sadi Carnot C'est Clemenceau qui avait proposé la candidature de Sadi Carnot : "Carnot n'est pas très fort, mais il porte un nom républicain et d'ailleurs nous n'avons pas d'autre candidat". Sadi Carnot descend en effet du général Lazare Carnot, l'un des personnages majeurs de la Révolution française devenu ministre de Napoléon, et d'Hippolyte Carnot, ministre en 1848. Il est aussi le président de la République qui aurait serré le plus de mains, organisant le banquet des maires de France (19 000 convives) et chaque année à l'Elysée deux bals de 10 000 invités.
Le moins président : Casimir PerierLorsqu'on vient lui proposer la présidence en juin 1894, Casimir Perier, à la fois homme d'affaires et ancien secrétaire d'État, rechigne beaucoup à accepter. Le jour de son élection, il déclare "Je suis un prisonnier". Lassé des attaques de la presse et de l'intransigeance des ministres qui ne veulent pas lui laisser la moindre décision, il donne sa démission six mois plus tard.
Le plus séducteur : Félix FaurePrésident de la République de 1895 à 1899, Félix Faure est grand, bel homme, l'oeil bleu et la moustache avenante. Il aime les femmes et c'est d'ailleurs dans les bras de l'une d'entre elles qu'il meurt, en 1899. L'anecdote est connue : "
Le président a-t-il encore sa connaissance ?" demande le curé venu lui porter l'extrême-onction.
"Non, monsieur l'abbé, répond un garde, elle est partie par une porte dérobée". Le président du "ras-le-bol" : Émile LoubetPrésident de la Belle Époque, de 1899 à 1906, Émile Loubet traverse à la fois l'affaire Dreyfus et l'anticléralisme maladif d'Émile Combes, qu'il désapprouve, mais ne sait pas empêcher. À la fin de son mandat, il est à tout jamais dégoûté de la vie politique : "Je ne serai ni sénateur, ni député, ni même conseiller municipal. Rien, rien, absolument rien".
Le plus insignifiant : Armand Fallières Ce président de la République de 1906 à 1913 déclare avant son élection : "Je suis un modéré, je veux dire un modéré de nature : je l'ai toujours été". Lors de son entrée en fonction, il déclare à l'Assemblée et aux ministres : "qu'il n'y aura pas une politique de l'Élysée". Il rêve plutôt de retourner dans le Sud-Ouest tailler sa vigne. Lorsqu'il laisse le poste à Poincaré en 1913, il lui avoue : "La place n'est pas mauvaise, mais il n'y a pas d'avancement".
Le plus intelligent : Raymond PoincaréPrésident de la République de 1913 à 1920, Poincaré traverse la Grande Guerre. Actif et intelligent, il sait faire respecter sa personne et sa fonction. Il sait aussi faire l'union sacrée et appeler en 1917 son ennemi Clemenceau pour gagner la guerre. Pari réussi.
Le plus surprenant : Paul Deschanel Paul Deschanel n'est président de la République que huit mois, d'août à septembre 1920. Dépressif, il a des "absences" et des moments d'aberration... On le retrouve ainsi un jour perché dans un des arbres de l'Élysée. Une autre fois, il glisse dans le bassin des carpes de Rambouillet. L'épisode le plus connu est celui de sa chute d'un train en pleine nuit. Le chef de la gare la plus proche eut bien du mal à admettre que cet individu ensanglanté, en pyjama et en état de choc, était, comme il le lui assurait, le président de la République française...
Le plus " rassembleur " : Alexandre MillerandL'unanimité, Alexandre Millerand va la faire pour lui puis contre lui. Pour lui lors de son élection à la présidence de la République en 1920, car personne d'autre ne s'est présenté ! Contre lui en 1924, car il veut faire de la fonction présidentielle un poste fort et ne gagne que l'hostilité des ministres et des députés. Il est contraint à la démission.
Le plus à gauche : Gaston DoumerguePremier protestant à devenir président de la République de 1924 à 1931, Gaston Doumergue déclare dès son entrée en fonction : "Je suis un républicain de gauche. Je ne fais appel qu'aux voix de gauche. J'entends gouverner à gauche avec une majorité de gauche". On ne saurait être plus clair !
Le plus tragique : Paul DoumerRarement une famille fut autant frappée par le sort. Paul Doumer perd ses cinq fils pendant la guerre de 1914-1918, tous tués à l'ennemi - et le titre de "morts pour la France" n'est sans doute pour les parents qu'une piètre consolation. Paul Doumer à son tour laisse sa vie pour la France, mais d'une façon bien différente : élu président de la République en 1931, il est assassiné en 1932 par un émigré russe souffrant de troubles mentaux.
Le plus effacé : Albert LebrunPrésident de la République de 1932 à 1946, Albert Lebrun n'exerce quasiment aucun rôle politique et se cantonne dans un rôle de gardien de la Constitution. Un rôle d'autant moins actif qu'il est, de 1940 à 1945, un président "théorique" emprisonné par les Allemands, le maréchal Pétain exerçant le pouvoir effectif.
Le plus chahuté : Vincent AuriolPremier président de la IVe République, de 1947 à 1953, l'ancien résistant Vincent Auriol subit pendant son septennat les changements d'exécutifs les plus nombreux jamais connus : pas moins de seize présidents du Conseil investis en sept ans... L'équivalent d'un changement de Premier ministre tous les six mois au plus ! Pendant ce temps, sa belle-fille Jacqueline Auriol se fait connaître en tant qu'aviatrice comme "la femme la plus rapide du monde"...